Lumière [pv]

Lumière

[pv] Ashky Mäneyk

J'étais seule encore une fois. La lune m'appelait chaque nuit mais pour le moment il faisait jour. Je n'avais pas caché ma peau aujourd'hui. Je ne pensais rencontrer personne. Elle brillait de milles feu face à la lumière du soleil. Même le blanc de ma robe n'égalisait pas la beauté de ma peau face au soleil. Je marchais lentement sur l'herbe d'une forêt où la lumière du soleil ne peinait pas à passer. Mes cheveux rouge sang contrastaient avec la claire lumière de ma peau. Je ne regardais pas où je marchais puisque mes yeux étaient attirés par le cristal que je tenais dans ma main. Un cristal rouge face à la lumière du soleil et gris comme mes yeux la nuit. Je savais où j'allais. Guidée par mes autres sens. Surtout l'ouïe qui m'indiquait beaucoup de choses. La forêt disparu laissant place à une plaine. Un lac rendait le lieu plus beau. Son eau était presque transparente et reflétait la lumière du soleil. J'avançai toujours les yeux posés sur cette pierre. Je m'arrêtai au bord de l'eau et rangea le cristal dans ma botte. Me relevant je remarquai une autre présence. Mais je ne me relevai pas. Qu'il s'approche que je découvre son visage. Je sais déjà sa race. Je restai droite, face à l'eau. Les bras le long du corps. Approche Falariel...

Je marchais les mains dans les poches autour de ce lac qui
étincelait au soleil. Je tapais dans les cailloux mollement et ils
rebondissaient sur la terre humide avant de tomber lourdement dans
l'eau limpide.

Je m'approchais d'une démarche nonchalante de la rive et je
regardais mon reflet onduler lentement au gré des vaguelettes. Mon
visage était pâle ; plus pâle que je ne l'aurais imaginé mais mes yeux
étaient bleus nuit presque noirs et faisaient comme une tache au milieu
de mon visage crispé par la solitude.

Je lançais un nouveau cailloux dans l'eau, celui-ci brouilla mon
image et alla se coucher sur la vase légère et propre. Je le regardais
couler lentement, dévier sa trajectoire et atterrir au sol en soulevant
un minuscule nuage de vase.

Sans relever la tête, je pus sentir une autre présence que la
mienne. Je jetais un regard en coin pour regarder de quoi il s'agissait
et je vis quelqu'un au bord de l'eau non loin de moi. Il - ou plutôt
elle - avait apparemment également senti ma présence, à en juger par
l'excitation qui l'habitait et qui avait un goût de rouillé dans ma
bouche.

E

"Aimes-tu le calme Falariel ?"

Je m'assis avec nonchalance au bord de l'eau, sans aucun bruit
pourtant. La surface de l'eau était à présent lisse comme une feuille
de papier et calme comme une image. Le soleil dessinait dessus des
symboles aléatoires et incompréhensible. Les nuages s'y reflétaient
aussi ; ce tableau était magnifique et je me penchais en avant pour
mieux l'admirer.

Celle qui s'avançait à présent vers moi devait avoir plus de
vingt ans. Elle avait également la peau très pâle et ses cheveux rouges
comme le sang contrastaient avec la couleur immaculée de son visage.
Elle portait une robe blanche, encore plus blanche que son visage - et
pourtant... - et tellement longue qu'on aurait pu croire la voir
flotter comme un fantôme.

Elle se planta à côté de moi mais je ne levais pas la tête pour la regarder. Elle brisa le silence en demandant :

"Aimes-tu le calme Falariel ?"

Sans quitter la surface lisse du lac, je m'éclaircis la vois et lançais un petit :

<< Mhmm... >>

Qui signifiait oui, à elle de le deviner toute seule, je n'aimais pas parler aux inconnus.

Dans ce cas... Silence... C'est mieux comme ça. Le silence est unique. Comme chacun de nous. Et pourtant. Certains se ressemble tellement que je me demande si quelqu'un s'est embêté à les faire différent ou pas. A supposer que quelqu'un nous ai créé tel qu'on ai. Dans ce cas tout serait prémédité. Mes gestes sont prévus. Cette rencontre est écrite. Moi je n'y crois pas. Car je ne veux pas être un pantin dirigé par quelqu'un qu'on ne connait même pas. Je m'avançai vers l'eau en silence. J'entendais encore quelque petits bruits par ci par là. Mais je savais que c'était à cause de mon ouïe plus développé que certaines personnes. Je m'accroupis et plongea ma main dans l'eau. Ma peau redevenait légèrement plus foncé. Je pris le cristal et le plongea dans l'eau. Il dégagea une lumière rouge autour de lui. Les poissons fuirent tandis que le soleil semblait attiré par le cristal. Je le retirai de l'eau et le rangeai discrètement dans ma botte. C'était étrange et intéressant. Quand je le portais au doigt, jamais je n'avais remarqué ça. Plus tard j'observerais cette pierre. Peut-être était-elle différente. Je m'attendais à tout de la part d'un vampire. Je me relevai avec souplesse et levai la tête vers le ciel. Un bleu clair, des nuages blancs et un soleil éclatant, d'un jaune oranger. Une belle journée qui s'achèverait dans quelques heures. Laissant sa place à un ciel noir ancre et une lune argentée. Peut-être devrais-je partir à ce moment là, ou maintenant. Ou alors rester pour admirer la beauté de la nuit sur le lac.

La fille devait être un Vampire, à en juger par son teint pâle
presque transparent et ses cheveux rouges sang. Elle était dos à moi et
je la fixais en sachant qu'elle sentait mon regard posé sur sa nuque et
descendre le long de son dos pour s'arrêter sur ses fesses et repartir
de plus en plus bas.

On ne pourrais pas dire que j'aime draguer les jeunes filles,
non. Mais celle-ci n'était pas comme celles que j'avais vu jusqu'à
présent. Elle était distante, tout comme moi ; et elle aimait le
silence et le calme.

Elle se pencha sur l'eau et sortit quelque chose de sa botte. Je
détournais le regard et le reportais sur les arbres et la forêt entière
qui bordait le lac. Je levais ensuite la tête. Le soleil finissait sa
course et disparaissait à présent presque entièrement derrière
l'horizon. La lune n'allait pas tarder à se lever et je devrais rentrer
mais je n'en fis rien. Je décidais que si j'en avais envie, je pourrais
dormir à la belle étoile sans que personne ne me dérange.

La jeune Vampire aux cheveux rouges rangea l'objet dans sa botte discrètement et se releva majestueusement sous mon regard admirateur.

J

"Comment t'appelles-tu ?"

La vampire posa un regard interrogateur sur moi et je ris
intérieurement. Le lac avait pris une teinte jaune orangée à présent et
n'allait pas tarder à changer ses couleurs chatoyantes contre un noir
d'encre.

Satisfait de l'effet que j'avais porté sur la Vampire en la
regardant avec admiration, je la regardais s'asseoir à côté de moi -
tellement près que j'aurais pus toucher sa main qui était posée dans
l'herbe à quelques centimètres de moi - et je souris en fixant mon
regard sur mes pieds.

Elle avait le regard rivé sur la surface plane du lac
lorsqu'elle me demanda mon nom. Je fus surpris mais je ne le montrais
pas, me doutant qu'elle le sentirait ou le devinerais. Je détachait mon
regard de mes pieds pour le poser sur elle.

J'étais gêné, je n'avais pas l'habitude de dévisager les gens et
encore moins les filles, surtout lorsque celles-ci étaient belles. Les
quelques notion de politesses que ma mère m'avait enseigné ressurgirent
et je répondis à sa question en faisant d'une voix rauque :

<< Ashky. Ashky Mäneyk >>

J'hésitais un moment avant de poursuivre sur le même ton :

<< Et toi ? >>

Le regard rivé sur ses cheveux rouges sang, j'attendis patiemment qu'elle me réponde.

Tu aurais pu me toucher mais tu ne le fais pas. Tant mieux pour toi. Je ne t'aurais pas fait de mal mais je serais partie. Le contact avec les autres n'est pas trop mon truc. Je préfère la distance. Je trouvais même que j'étais trop près de lui. Mais trop tard. Mäneyk... Non. Ça ne me disait rien. Je ne connais aucun membre de sa famille et je n'en ai jamais entendu parler. Mon nom à moi ? Simple mais bon je l'aime quand même. Te le dire c'est une autre chose. Normalement je ne donne que mon prénom. Mais je vais te faire une fleur. Pourquoi ? Parce que j'ai envie voyons. Quel question ! Je fermai les yeux pendant quelques minutes. Je sentais ce qui se passait autour de moi. Rouvrant les yeux je remarqua le noir du ciel. Le lac devenu sombre attirait mes yeux. Je remarquai une légère tache blanche sur la surface du lac. Je tournai la tête et regardai la lune. Elle commençait doucement à monter mais elle brillait déjà avec force. Je souris et reposa sur les lacs mes yeux argent. Ma peau devint plus froide et clair. Des vagues argentées dansaient dans mes cheveux au rythme du vent. Je me détendis et regarda Ashky. La lune posait sur lui des reflets différents des miens. En un murmure je lui donnai mon nom. A lui de l'entendre, de le garder dans son esprit ou de l'oublier.

"Naïa Mina..."

La belle Vampire sembla hésiter un moment avant de me donner son
identité. Très joli nom qu'elle portait là, vraiment très joli. Elle me
l'avait murmuré et cela avait ajouté de la sensualité à ses paroles.

La lune était presque à son zénith et elle brillait très fort,
créant une tache blanche sur la surface noire du lac. Des vaguelettes
s'étaient formées au gré du vent à présent et donnaient une certaine
action au tableau. Les cheveux rouges de Naïa ondulait sous la brise
légère et sa peau était devenue plus claire et plus brillante dans
l'obscurité de la nuit.

[Sorry, je sais pas trop quoi faire... TT_TT]

J

"Les Falariels sont-ils tous comme toi Ashky ?"

La nuit était tombée à présent et la lune, haute dans le ciel,
illuminait les environs de sa clarté macabre. Je me demandais ce que
j'aurais dû faire en ce moment si j'avais encore une famille ; ce que
je serais en train de faire si Hélène était encore des nôtres. Pourquoi
était-elle partie si vite ? Je secouais la tête pour chasser ces
pensées obscènes de ma tête ainsi que son visage souriant et plein de
couleurs chatoyantes.

Une eau noire et lugubre avait remplacé l'eau claire et limpide
dans le lac qui s'étendait devant nous. Car la fille n'était pas
partie, au contraire, elle restait là à regarder la nuit et à lui
sourire. Pourquoi ne m'avait-elle pas fuit comme tous les autres ?
Peut-être était-elle comme moi après tout...

Naïa se leva et pris un cailloux dans sa main pour le jeter dans
les eaux noires. Le reflet baigné de lumière de la lune sur la surface
se brouilla l'espace d'un instant puis tout redevint lisse et calme. Je
ris intérieurement, me demandant quelle importance elle pouvait bien
trouver à lancer un cailloux dans l'eau.

La belle vampire se rassit, me sourit et me demanda si tous ceux
de ma race était comme moi. Comme moi... Je supposais que cela voulait
dire "renfermé et solitaire". Je plongeais ma main dans les eaux
lugubres avant de répondre :

<< Je n'en sais rien. Je n'en ai jamais rencontré d'autre. Peut-être que je suis spécial, qui sait... >>

Je sortis ma main de l'eau et laissait s'écouler les quelques
gouttes qui y restaient. Je frémit à l'idée de parler à nouveau.
Bizarrement cette sensation d'avoir Naïa près de moi me faisait du
bien, me réchauffait le cœur...

Q

"Moi je n'ai encore trouvé aucun Vampire comme moi..."

J

Naïa paraissait perplexe ; je sentis un goût inconnu sur ma
langue, un goût que je traduis au premier abord par l'admiration puis
par le dégoût. Je ne parvins pas à me décider et puis de toute façon je
m'en fichait.

Il était clair que Naïa n'était pas comme les autres, du moins
pas comme les autres vampires. Mais elle était comme moi, fière,
solitaire et surtout elle aimait le calme. J'en appris un peu plus sur
elle par une simple phrase. En effet, elle me confia qu'elle était, à
sa connaissance, la seule vampire qui n'aimait pas la compagnie et le
contact.

Je souris sans m'en apercevoir. Sa compagnie à elle je
l'appréciais, bizarrement. Sa compagnie à elle ne me gênait pas ; elle
me faisait frémir de bonheur. Pourtant elle n'avait rien de différent ;
mis à part son dégoût pour le contact et la parole ; son dégoût pour
les autres.

Je regardais son sourire. Dommage qu'il ne souriait pas plus, ça lui allait bien. Je reportai mon regard sur le lac. Plus tard j'y arriverais. J'ai un rêve et je veux le réaliser. Pour ça il me faudra du temps et du courage. De la patience et de la détermination. Ce que je veux faire est compliqué. Quand je suis née je n'ai pas eu le don de la magie. J'ai juste eu le droit d'être différente. Ce qui est déjà beaucoup. Je me relevai doucement sans pour autant me lever. Restant droite quelques secondes, je caressai une de mes boucles d'oreilles. Je crois qu'en vérité c'est l'argent qui m'attire. L'argent pur. L'argent de la lune est pur. C'est celui que je préfère. Je me levai souplement. La lune au dessus de ma tête continuai de briller. Je m'approchai de l'eau et entrai dans le lac. Je ne sentis que la douceur de l'eau. Le froid ne m'atteignant pas. Je laissa mes doigt frôler la surface liquide. Le niveau était presque partout le même. L'eau arrivant au dessus de mes genoux. Je m'arrêtai et observai le reflet de la lune juste devant moi. D'un doigt je touchai le reflet qui se brouilla. Je me sentais bien ici. Mais je savais que je n'étais pas seule. Parfois les souvenirs remontent bien plus vite que prévus. Il faut apprendre à les éviter. Car certaines souffrance font mal même pour un Vampire. Je revoyais son visage. Je fermai les yeux et les rouvris. Oubliant un souvenir qui aurait pu faire naître en moi l'envie de partir. Je me retournai et revint vers Ashky

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, je m'assis à côté du Falariel. J'avais utilisé ma vitesse de vampire que je n'aimais pas forcément. Ma robe ne portait aucune goutte d'eau. Seuls mes doigts étaient mouillés. Un avantage qui ne me servait pas à grand chose à part à éviter la transparence d'une robe blanche. Parfois le monde créer des choses nouvelles et étranges. Ma robe n'est pas normale, l'eau ne la mouille pas et jamais elle n'est salie. Pourquoi ? Je ne sais pas. Un Vampire me l'a donné c'est tout ce que je sais. Mais ce ne serait pas marrant de savoir pourquoi ma robe est comme elle est. Je préfère garder le mystère. Ce qui n'est pas normal m'attire. Il y a bien une raison à ma présence ici. Ce lieu est différent et j'ai rencontré un Falariel étrangement intéressant. Malgré ce manque de parole, je commence à le connaitre. Sa présence n'est pas gênante. Même plutôt agréable. Je commence à l'apprécier...

Malgré la fraicheur de la nuit, je ne me levais pas pour rentrer
chez moi. En vérité je n'avais plus vraiment de chez moi ; j'avais une
maison en ruine où j'habitais. Mon chez moi était partout, ici et
là-bas. Mon chez moi existait et n'existait pas. Les souvenirs
douloureux affluèrent dans mon esprit mais je ne tentais pas de les
retenir, je laissais ce flux ignoble et désagréable ma submerger sans
essayer de le chasser. Je revis comme ça ma famille réunie autour d'un
grand feu pour la fête du plus long jour de l'année ; je revis Hélène,
notre première rencontre ; je revis la porte trembler et les attaquants
affluer dans notre modeste maison ; je revis le sang maculer le
carrelage et enfin, la dernière fois que je pu admirer son visage.

Je fus tiré de mes pensées par Naïa qui se redressait. Elle
entra dans l'eau sans sembler ressentir la fraicheur du liquide. La
jeune vampire s'arrêta devant le reflet de l'astre lunaire et toucha la
surface du doigt, ce qui brouilla l'image claire.

Sans que je m'en aperçoive, elle apparut près de moi et sa robe
était sèche comme si elle y était restée. Seuls ses doigts fins et
pâles étaient mouillés.

Je ne pouvais pas l'expliquer mais sa compagnie me comblait de
bonheur. Peut-être parce qu'elle était aussi différente que moi ?
Peut-être parce qu'elle respectait mon silence ? Sa présence seule me
faisait frémir de bonheur et je souris à cette idée.

S

"Sourire te vas si bien Ashky."

U

Naïa semblait pensive. Je sentis sur ma langue un goût de sel
qui signifiait qu'elle se remémorait quelques souvenirs lointain. A
bien y réfléchir, le goût de ce sel avait un arrière goût de périmé.
Ces souvenirs auxquels elle pensait étaient donc douloureux.

J'humectais mes lèvres sèches en écoutant ses paroles douces et
chargées de sous-entendus étranges et que je n'arrivais pas à cerner.
En effet, une simple phrase sortie de sa bouche aussi simplement que ça
me fit frissonner.

<< Sourire te va si bien Ashky >>

D'abord étonné, je compris qu'elle était réellement sincère et
qu'elle ne disait pas ça pour engager la conversation. Sans savoir
pourquoi j'avais envie de lui parler. Pas parce qu'elle était étrange,
pas parce qu'elle était une Vampire ; non, tout simplement parce
qu'elle me réchauffait le cœur.

Je fus tenté pendant une fraction de secondes de lui prendre la
main mais je n'en fit rien. Je m'étendis dans l'herbe verte et fraiche
en regardant la lune qui brillait de milles feux. En un murmure, je
lâchais un :

<< Merci... >>

J'aurais souhaité ajouter autre chose, lui dire que je la
trouvais belle mais l'idée de faire des compliment à une autre qu'elle
me répugnais. Ce n'était pas la faute de Naïa mais simplement la mienne.

J

"Peut-être un jour nous nous reverrons Ashky..."

U

Naïa sourit, ferma les yeux et inspira profondément. Ses cheveux
rouges sang reflétaient la lumière de l'astre lunaire et je souris
devant tant de beauté. Je voulu tendre la main pour effleurer son cou
mais je ne le fis pas. Je préférais l'admirer en silence et sans bouger.

La belle Vampire se redressa et porta une main à son cou. Elle
regarda à nouveau la lune. Elle aimait regarder la lune d'après ce que
je pouvais voir. Après tout la lune était magnifique, tout
particulièrement ce soir-là.

Nos regards se croisèrent un instant mais je détournais les
yeux. Je frissonnais lorsqu'elle s'approcha de moi. Je frémis
lorsqu'elle pris ma main dans la sienne et qu'elle parcouru ma ligne de
vie. Elle sourit à nouveau avant de murmurer :

<< Peut-être un jour nous nous reverrons Ashky... >>

Je fus surpris par ces paroles ; je ne voulais pas qu'elle parte
pour tout dire. J'aurais voulu en savoir plus sur elle. Sa compagnie me
faisait du bien ; c'était étrange mais vrai.

Naïa lâcha doucement ma main et se leva. Elle regarda un moment
la lune et le lac avant de s'éloigner, lentement, très lentement comme
si elle voulait que je la retienne.

Et c'est ce que je fis. Je me levais d'un bond et en quelques
pas, je la rejoignis. Je marchais à sa hauteur les mains dans les
poches comme toujours et tournais la tête vers elle en disant :

<< Et pourquoi pas aujourd'hui ? >>

Mes propres paroles me firent sourire et même rire
intérieurement mais je n'en laissais rien paraître. De toute façon Naïa
le sentirait ; elle sentait mes moindres émotions.

J

I

"Je reste..."

J'

En posant cette question, me tête se mit à tourner et je dû me
battre pour rester debout et garder l'équilibre stable qui m'allait si
bien. Pourquoi poser tant de questions ? Pourquoi parler ? Pourquoi
engager une conversation lorsque l'on répugne à discuter ?

Je secouais la tête pour chasser toutes ces questions de mon
esprit. Ces interrogations qui n'avaient pas lieu d'être me donnaient
mal au crâne et je manquais de défaillir lorsque Naïa posa ses yeux
gris et ténébreux sur moi. Elle paraissait songeuse ; à en juger par le
goût de métal rouillé qui naissait sur ma langue. Son sourire me fit
légèrement rougir mais je comptais sur la lueur macabre de la lune pour
le cacher.

<< Je reste... >>

Me dit-elle d'un ton compatissant. Je sentis qu'elle aurait
voulu ajouter quelque chose mais elle ne le fit pas. Elle m'observa
simplement, pendant un moment. Nos regards se croisèrent mais elle
dévia le siens pour le poser sur la surface sombre du lac où se
reflétait toujours la pleine lune claire et lugubre.

Après quelques instants, elle plongea à nouveau son regard gris
qui n'appartenait qu'à elle dans le miens qui était si banal. Je pu
lire la douleur dans ses yeux et je sus à ce moment qu'elle comprenait
ce qui m'habitais. Elle savait tout de moi en un simple regard. Je
frissonnais à l'idée qu'elle puisse me voler mes pensées. Je ne lui en
voulais pas au contraire ; grâce à ça je n'étais pas obligé de parler.
Et puis, je la considérais à présent comme une amie malgré le peu que
je connaisse d'elle. Une amie que je devais protéger.

<< Tu comptes rester debout toute la nuit ? >>

J'avais dit ça avec une minuscule pointe d'ironie dans la voix.
Ce qui ne m'arrivait jamais avant... notre rencontre. Je déglutis en
pensant que Naïa avait le même visage indifférent qu'Hélène. Pourquoi ?
Encore un question. Je la chassais d'un geste vif de la main avant de
poser mes yeux dans les siens.

Je le sentis mal à l'aise, comme pris d'un vertige. Je voulais l'aider mais il se repris très vite. M'assoir ? Je pourrais rester debout toute une vie si je le voulais. Je souris devant tant d'ironie. Il parlait plus librement et commençait à faire comme les autres. Donner une vie à ses phrases. C'était plutôt étrange les résultats que pouvaient provoquer la simple compagnie d'une Vampire à ce jeune garçon. Il reprenait gout à certaines choses. Je m'avançai de quelques pas et m'assis face au lac une nouvelle fois. Il s'assit à mes côtés et je me laissai perdre dans mes pensées. Je repensai à ce qu'un jour un homme m'avait dit. Un homme de plus de vingt cinq ans en apparence et pourtant il avait bien plus. Je me retournai vers Ashky et l'observai pendant plusieurs secondes qui me parurent si longue. J'effleurai du bout des doigts la joue du Falariel et laissai échapper un murmure.

"Tu es si jeune Ashky..."

Tu as tant de chose à apprendre. La fin de ma phrase resta bloqué à l'intérieur de moi. Je retirai ma main d'un geste vif et me retournai. Mais où avais-je la tête. Je devais arrêter de faire des choses si étrange. Je ne me comprenais plus. Je ne sus même pas si j'arrivais à me contrôler. Comme possédée par les souvenirs. Je plantais mes yeux gris sur le lac évitant son regard. Évitant de penser qu'un jour j'avais pu refait ce geste. Un geste si connu et aimé. Mais ce n'est pas moi qui le faisait c'était lui. C'est moi qui était si jeune à ses yeux. C'est moi qui devait tout apprendre. Et j'ai appris. Après trois jours de souffrance j'ai appris à contenir mes émotions. A ne plus rougir et éviter de sourire. Et apprendre à souffrir en silence. Oublier le monde et ne vivre que du minimum. J'ai appris à vivre autrement après sa mort et la mienne. Je souris à la nuit sentant mes joues brûler et rougir.

Naïa alla s'asseoir devant le lac et regarda pendant un moment
le reflet de la lune. Je m'assis près d'elle après l'avoir longuement
observée. Je tentais de percevoir ses émotions, ce qu'elle ressentait
mais je n'y parvint pas.

Curieusement, elle effleura ma joue avec ses doigts fins et
froids. Je frémis en pensant qu'elle essayait peut-être de me manipuler
pour me transformer en vampire une fois ma confiance gagnée... Elle
murmura :

<< Tu es si jeune Ashky... >>

Encore une fois, elle ne finit pas sa phrase mais je ne lui
demandais pas de la finir. Je frisonais à son contact mais cela ne me
gêna pas vraiment. Naïa avait le don de ne pas m'embêter, de me faire
frémir mais de bonheur. Je ris intérieurement. J'étais en train de
devenir comme les humains, de ressentir l'amour au premier regard.

Comme gênée, Naïa enleva vivement sa main et se retourna pour
fuir mon regard. Elle posa ses beaux yeux gris sur le lac, une nouvelle
fois et je réfléchis à toute allure. Que devais-je faire ? Oublier ce
contact à jamais et faire comme si Naïa n'avait jamais existé ?
Continuer ?

Je secouais la tête à nouveau. Je me posais trop de question
lorsque j'étais en sa compagnie. Étrange... A vrai dire, lorsqu'elle
était près de moi tout était étrange, autant mon assurance à prononcer
des mots que les émotions que je ressentais.

Quitte à être bizarre, autant l'être jusqu'au bout. J'enlevais
ma main droite de ma poche et je la posais sur la sienne. Le contact
froid me fit à nouveau frémir mais je ne retirais pas ma main pour
autant. Mon corps tout entier tremblait sous le coup de l'émotion.
Étrange...

J

» Ailes de lumière [Delwin].